Voler au loin : recommandations de Michel Blondeau

N'importe quelle navigation en France requiert au minimum une heure de préparation pour une heure de vol effectif. À l'étranger, c'est forcément davantage… Pour Malte, par exemple, c'est environ un mois de travail de preparation.

Avez-vous le FCL.055 ? Ah, vous ne savez pas ce que c'est ? Donc, c'est une bonne question. Il vous faut ça. C'est un certificat pour votre niveau d'anglais aéronautique. Même pour les pays francophones, Belgique, Suisse, etc., même pour aller à Aoste ou à Chamois. Vous avez compris ce qu'il vous reste à faire avant d'envisager un voyage hors hexagone…

Ensuite, on définit le trajet prévisionnel : le nombre d’étapes souhaitées (en fonction des contraintes, type de ravitaillement, mais aussi du loisir, genre visites, excursions touristiques, monuments incontournables). Mais il peut faire mauvais sur le parcours. Il faut donc envisager les déroutements possibles, non comme des contraintes, plutôt comme des découvertes, de la sérendipité comme ils disent dans les livres. Au fait, si vous envisagez de survoler la mer, avez-vous le certificat de traversée maritime ?

On établit la période où s'entreprendra le voyage. Donc, on envisage le décalage horaire, le fait que les journées sont bien plus courtes en hiver, très très longues si l'on vole vers des régions septentrionales en été. On cherche les cartes des pays à traverser, les Jeppesen sont les plus évidentes, ou alors on contacte les pays visés, pour des cartes au 500 000 ème ou 1 000 000 ème. On note toutes les zones à traverser et leurs implications en termes d'altitude, radio, etc. On collecte toutes les cartes VAC des destinations prévues, mais aussi des déroutements potentiels. Sur ces cartes VAC on vérifie : aviation légère autorisée oui ou non ? (traduction : avez-vous le droit de vous poser devant un 747 de Fedex ?) Y a -t-il des pompes Avgas? PPR oui ou non ? Tiens c'est quoi ce truc ? C'est l'idée que certains aérodromes requièrent une autorisation préalable, on ne s'y pose pas comme ça. Ah, et la douane ? oui / non ? Quels horaires d'activité ? Si on arrive à 19h30, les gabelous seront-ils en service ? Faut-il envoyer un préavis ?

Peut-on demander un handling (pour nous, petits pilotes de petits aéroplanes, ce mot intimidant peut simplement signifier qu'à l'arrivée, on va suivre (forcément) une voiture avec un écriteau Follow me qui clignote) ou est-ce obligatoire ? Quel est le coût des taxes d’atterrissage, du handling justement, des moyens de transport, taxis, microbus, location de voiture pour se rendre à un hôtel raisonnablement confortable pas trop loin ? Et l'hôtel ? Quel type d'hébergement ? Il y a une piscine ? Combien de temps à l'avance doit-on réserver ? Quel délai pour annuler sans frais en cas de mauvais temps ? On paie comment, CB ou cash ?

On a affaire à des administrations, dans des pays pas forcément très coopératifs. Pour obtenir toutes ces informations, il faut du temps, donc prendre en compte les délais pour les récupérer et les interpréter. Où trouver ces renseignements ? Le site de la DGAC donne des liens pour bon nombre de pays étrangers.

Plus techniquement, il faut préparer un log de navigation prévisionnel en prenant comme repères en route les VOR et les points de report IFR, qui sont connus de tous les organismes de contrôle, et préparer un plan de vol en indiquant clairement qu'on a une radio 8,33Htz.

Établir une estimation des heures de vol nécessaires à chaque étape en fonction de la météo prévue, et être prêt à la modifier en fonction de la météo réelle à l'instant t. Attention au centrage de l’avion, on n'est pas en configuration habituelle, les réservoirs sont pleins, on a des bagages, des sacs, des pilotes dont on ne connaît pas le poids… mais aussi des bidons d'huile, un pneu de rechange, une couverture de cockpit, une autre de survie, une radio de secours, des gilets de sauvetage pour une traversée maritime. On les met où ? Comment tout cela affecte-t-il l'assiette de l'avion ? Au décollage ? En route ? À l'atterrissage ?

Bien sûr, il est préférable de voyager avec un passeport valide. Les cartes d’identité françaises sont valables 15 ans, mais si elles ont plus de 10 ans, elles ne sont plus acceptées dans certain pays. Ça va ? Toujours envie d'aller loin ? C'était juste pour vous éprouver, façon sélection naturelle ! Voyager loin, c'est d'abord un projet, un rêve, puis une préparation soigneuse, rigoureuse, et donc, un beau travail d'équipe qui concrétise le rêve avec réalisme jusqu'au décollage, puis emporte tous les équipages dans une belle aventure collective. Wow !

 

Michel Blondeau  
Propos recueillis par  
Bernard Moro